Lors de ta venue au monde le premier Avril, ce ne fut pas un canular, tu fis le bonheur de nos parents où, dans le foyer, tu étais le quatrième garçon.
Ils attendaient une fille qui ne vint qu'à la septième place !
Mais, adorant les enfants, ils étaient toujours heureux et papa prenait toujours en premier le bébé dans ses bras, si fier.
Non, la farce horrible c'est ce maudit vingt et un décembre mille neuf cent soixante huit, où tu as quitté cette terre, après ce terrible accident de voiture dérapant sur la chaussée trempée et plafonnant, tragique minute, un camion traversant cette route, si peu fréquentée d'habitude !
Tu étais parti chez le dépanneur de télés afin que tes enfants puissent regarder les programmes pendant les vacances de Noël.
Blessé trop gravement tu succombas à peine arrivé à l'hôpital...
La consternation et le chagrin se lisaient sur chaque visage, dans la vallée alsacienne où tu étais apprécié et honorablement connu.
J'ai pris le train comme une somnambule, laissant mes enfants à la garde de leur papa, pour rejoindre ton foyer où dans la salle à manger trônait le sapin aux guirlandes multicolores.
Triste et mémorable Noël qu'eurent les enfants.
Tu laissais une jeune femme veuve à trente ans et cinq enfants.
Toi, tu es parti dans ta trente neuvième année, avec devant toi un avenir très prometteur.
Et à la morgue, endroit qu'il faudrait interdire aux personnes sensibles, quand je t'ai vu, en pleine jeunesse encore, avec tes cheveux ondulés, tes yeux si bleus fermés à jamais, les bras des autres frères me soutenant, là, j'ai compris que c'était fini !
Et que jamais plus je ne te verrai sourire, chantonner, ni admirerai ton élégance, avec ton feutre, tes hautes bottes de cuir et un port de tête qui en imposait !
De toute ma vie passée, je n'ai eu aussi froid, le long du chemin qui grimpe jusqu'où tu reposes.
Tes amis portaient sur leurs épaules ta dernière demeure, à l'étroit que tu dois être dedans, toi qui aimais les grands espaces et les marches au grand air.
Demain premier Avril c'est le jour de ta naissance, et si tu étais encore là, je t'aurais offert soit une pipe en écume, tu adorais fumer la pipe, ou un bon Whisky, pour ton anniversaire qui n'existe plus depuis le dernier fêté de tes trente huit ans.